Textes de Maryweather

CHAPITRE 1

Deux filles sont réunies autour d’une photographie d’une de leurs camarades. D’après leurs uniformes, elles étaient cheerleader. L’une est très imposante, l’autre un peu gênée mais reste aux côtés de son amie. Cette dernière commença :

- Non, mais regarde comment elle a changé en six mois ! C’est tout de même incroyable de constater qu’elle était parfaite et maintenant… c’est la honte de notre lycée !
- Qu’est ce qu’elle y peut si son père est devenu assez fou pour la battre de cette manière ? protesta l’autre, timidement.
- Oh ! Mais tout ! C’est bien elle qui n’a pas su aider son père à remonter la pente après le décès de la putain.
- …

Elles se turent, voyant la personne concernée s’approcher. La plus extravertie prit le cliché des mains de son amie pour le ranger dans l’un de ses livres. Elle s’avança vers la jeune fille et sortit avec ironie :

- Bonjour Karen ! J’espère que tu vas bien.
- Pour le mieux Lilly, lui répondit-elle en forçant un sourire.
- Tant mieux puisqu’on a histoire. Qu’est-ce que ce cours est fatiguant, tu ne trouves pas ? Oh ! Et avec tes blessures et tes cernes, il va te falloir de l’énergie pour rester concentrée pendant toute l’heure. Au fait, j’espère que tu tiens le choc malgré les coups de ton père. Cela ne doit pas être facile pour toi. Il ne t’a pas violée j’espère ? déclara-t-elle en ricanant.
- Tu as un humour tellement spécial, Lilly.
- N’essaie pas de te montrer confiante, tout le monde sait que c’est faux. Nelly, on y va, dit-elle en dévisageant Karen.

Elles s’en allèrent toujours aussi fières. Karen se pressa de les suivre pour aller en cours d’histoire, avant que ne retentisse la sonnerie.

Maintenant, tu n'es plus là.

Il fait si froid ici. Je vais mettre une bûche dans le feu. Tout ira mieux après. Je courrus chercher une bûche dans le garage pour alimenter le feu. Ce dernier commençait déjà à l'avaler lentement. Je le regardais brûler puis détournais mon regard vers la fenêtre.

Aujourd'hui, j'ai découvert le métier de mon père. Il m'avait toujours menti, lui qui, au regard si tendre et attristé, me disait toujours qu'il partait pour un long voyage mais qu'on se retrouverais le plus tôt possible. En réalité, il était caporal. Me croit-il trop idiote pour comprendre ce genre de chose ? Dans tout les cas, je lui en veux de m'avoir menti.

Malgré cela, je gettais les alentours de la maison en regardant par la fenêtre. Maman étant absente et Papa étant parti en guerre, je n'ai pas le droit sortir sauf si la gouvernante m'accompagne mais elle est tellement insupportable en me dictant ses ordres stupides que je n'oserai jamais le lui demander.
Je sortis de mes pensées en remarquant une silhouette s'aventurer dans le brouillard, devant la maison. Qui cela pouvait-il bien être ? Je fis l'effort de me concentrer du mieux que je le pouvais sur le personnage. Il s'agit du facteur apparemment. Oh ! j'espère qu'il vient m'apporter de bonnes nouvelles concernant Papa.

Je courrus à la porte d'entrée et ouvris celle-ci, même si cette action est contraire aux indications que m'a laissé Maman. Je reconnus tout de suite Alphonse, le fils de Basil LAGARDE. Il est venu assez souvent à la maison pour me garder quand personne ne pouvais rester. Un garçon très charmand et très beau. Quand je serais grande, je l'épouserais, mon cher blond aux yeux bleus. On se salua. Lui semblait être assez gêné mais moi j'étais très heureuse de voir mon facteur ambulant. Il me donna un collis et me demanda de signer un papier. Je ne savais pas pourquoi mais je fis ce qu'il me demandait. Il s'en alla en me regardant d'une étrange manière.
On se salua et se séparaient. La porte se refermait soudainement sous mon nez. C'était ma chère et tendre gouvernante. Pour éviter sa scène habituelle, je pris le collis et partis dans ma chambre, ce qui l'irrita mais je n'en avais que faire.

Sur le collis se trouvait le logo de l'armée. J'étais aux anges, Papa ne m'avait finalement pas oubliée. Je me mis à ouvrir le courrier. Bizarrement, toutes les affaires de Papa se trouvaient là. Peut être allait-il rentrer bientôt ? Je fouillais dedans pour voir ce que Papa aimait bien comme objets. Montre à gousset, uniforme militaire, portait de Maman... Même rien sur moi ! Qu'il est méchant ! Maudit soit-il pour cette injure envers mon nom. Cela signifie-t-il qu'il ne m'a jamais aimé ? C'est vrai qu'il n'a toujours porté que trop peu d'intérêt envers la personne que je suis.

Je finis par trouver un carnet et des lettres. Bon Dieu, que signifient toutes ces choses ? Je feuilletais le carnet. On pouvait lire à la date de mardi qu'un obus qui était destiné à lui et ses camarades avait mis un village voisin en miettes. Je découvris alors que mon cher Père n'était donc pas aussi méchant. A la date de mon anniversaire, c'est-à-dire, aujourd'hui, il a noté qu'il ne devais pas m'oublier et m'écrire une lettre. J'en ai les larmes aux yeux.

Je décidais de lire les lettres. Je tombais sur celle qui semblait être dans le meilleur état qu'on ne puisse espérer. A cet instant, le monde s'écroula devant moi. En effet, il me fallut peu de temps pour comprendre qu'il était tombé. Mon Père.

Et c’est là qu’on se sépare.

Tu m’avais pourtant dit que tu reviendrais me voir le plus tôt possible avant de partir avec cet homme qui me regardait avec tant de mépris. Je me souviens que tu m’avais chuchoté à l’oreille : « n’oublies pas de toujours guetter les horizons après ton retour de l’école, chaque soir, n’oublies surtout pas ! » Alors tu m’as embrassé, tu as enlacé maman et tu es parti. Sans même te retourner une seule fois avant de monter dans cette voiture. C’était peine perdue et je le savais bien mais, pourtant, pendant six ans, j’ai guetté les horizons. Chaque soir, je m’arrangeais toujours pour le faire afin de ne pas manquer ton retour.
A dix ans, j’ai compris que tu ne reviendrais pas. Je pensais que tu ne pensais plus à nous, que tu avais dû trouver une autre maman. En parlant de maman, elle allait de moins en moins bien. Elle était devenue dépressive. C’était à peine si elle mangeait, à peine si elle me répondait lorsque je lui parlais. Ne sachant quoi faire, j’en ai parlé à la maîtresse qui m’a dit qu’elle devait trouver quelque chose pour combler son manque et qu’alors elle redeviendrait normale. J’ai donc demandé aux copains de me donner des conseils et ils m’ont conseillé de lui faire boire de l’alcool. D’après eux, il s’agissait d’un remède efficace contre les problèmes et qu’après elle serait toujours heureuse. Naïf comme je l’étais, j’y ai cru et j’ai offert une bouteille à ma mère qui, après l’avoir bue, souriait, riait et me frappait sans le moindre motif valable. Je me mis à regretter ce que j’avais fait : « J’aurais dû me méfier de leurs ricanements », voilà ce à quoi je pensais.

Trois ans plus tard, ma vie était devenue une routine : on se lèvre, on fait sa toilette, on prépare le petit-déjeuner de maman avant qu’elle ne se lève, on part à l’école pour y passer la journée, on rentre le plus tard possible à la maison. J’avais tellement de problème que je t’avais oublié. Je commençais à m’infliger des douleurs physiques pour oublier celle qui était psychique. J’étais triste. Beaucoup de personnes vivaient dans de pires conditions que la mienne mais je ne pouvais jamais rire. La douleur avait atteint mon cœur. J’avais si peur, j’étais si seul.

L’an d’après, je me suis mis à fumer. Je voulais qu’on s’intéresse à moi mais visiblement ça ne suffisait pas. Alors, je me suis mis à changer peu à peu, je devenais sombre et sadique. J’avais décidé de commencer la drogue. Je ne voulais pas finir comme ma mère alors j’ai pensé qu’il serait préférable de ne pas commencer l’alcool. Je m’habillais de façon à faire peur. Certains se mirent à caricaturer les autres personnes de même style que le mien. Alors ils se mirent à me détester. Compréhensible. Je me sentais encore plus seul. Je me mis à fuguer.

Je me souviens encore de ce soir, j’étais dehors, je me promenais la nuit bien sûr. Un homme s’est approché, il semblait fou. Il s’est approché, m’a demandé si j’avais de la cocaïne. Je lui répondus que non : je l’avais laissé dans ma planque. Il commença à me mettre une droite. Je n’avais rien compris à ce qu’il venait de se passait mais je m’étais décidé à ne pas abandonner : j’allais gagner ce combat. Au moment où tu es revenu, j’étais dans un de ces états. Tu te battais pour me protéger et moi je t’observais. Je me remémorais les moments passés avec toi. Les larmes coulaient seules, je ne me contrôlais plus. Jusqu’au moment où l’agresseur se mit à sortir une arme à feu. Avant qu’il ne te tire dessus, je me suis jeté sur toi pour te sauver. Je n’avais rien à perdre. Seulement toi. La balle me percuta. On s’écroulait ensemble. Tes yeux étaient noyés de larmes. L’agresseur s’était enfuit avant que la police n’arrive. Et la seule chose que je t’ai dite avant de te quitter : « On s’est séparés. Tu es revenu pour me sauver et je t’ai observé avec admiration. Et c’est là qu’on se sépare, de nouveau. Je t’aime Papa, adieu ». J’ai fermé mes yeux et j’ai rendu mon dernier souffle.